Kazakhstan – la steppe fond

Et la steppe fondit. De -10 à -20°C les premiers jours, il fait désormais près de 5°C. Tout fond à une vitesse folle. Mais cette immense plaine n’a que très peu de pentes. l’eau reste sur place transformant le sol en un gigantesque marécage. Djeep, camions 6 roues motrices, Manitou, plus rien ne bouge. même le bulldozer de génie civil reste coincé comme un idiot.

seul hic, le printemps était sensé se produire début mars et nous n’avons pas vu venir le redoux. toute l’activité s’est arrêté, il ne reste plus de fuel que pour une quinzaine de jour, pas plus de nourriture, d’eau potable, et il manque du matériel essentiel.

Il est l’heure de se reposer en regardant l’horizon et en attendant les camions. Vu la hauteur de boue, ca va être long.


Kazakhstan, premiers pas

J’ai quitté l’Angola sans regret et me voici désormais au Kazakhstan. Il y aura beaucoup à raconter, mais pour commencer quelques photos s’imposent pour illustrer le pays. Pour les fanatiques d’exactitude les coordonnées sont : 46° 38′ 39.18″ N &  57° 18′ 58.96″ E.

Ces clichés21 ont été prises dans l’Ouest du Kazakhstan, juste au nord de l’Ouzbekisthan, entre Kulsary et Chalkar. En cherchant bien on peut trouver ces villes sur Google map. C’est un océan de rien, une vaste plaine de 400 kilomètres de diamètres avec juste la steppe à perte de vue semblable à un Océan.

Lors de mon arrivé dans la steppe, 20 centimètres de neige la recouvrait. de là, nous l’avons traversé. 400 km à 35 km/h de moyenne nécessitent un certain temps de parcours. Ca laisse aussi tout le loisir d’apprécier ce rien. D’une certaine manière c’est assez reposant.


Angola – un simple quidam

Luanda.

L’air est saturé de lumière et de poussière, je plisse les yeux. Je suis un quidam mais pas un passant. Je ne suis personne, une fourmi parmi tant d’autres et comme mes semblables, je suis présent sans vraiment appartenir à la cité. Cette ville fonctionne à plusieurs vitesses. Parmi tous les flux et reflux,  le nôtre semble tout faire à contre courant.

Je suis géologue expatrié pour une compagnie pétrolière.

La voiture qui m’emmène est verrouillée dès l’instant où je monte à bord. Je suis à l’arrière, les portes sont closes, quand bien même je le souhaiterais elles ne s’ouvrent pas. Mon regard erre par la fenêtre sans plus rien voir. Mes yeux ouverts sont aveugles. Nous traversons l’immense bidonville qui borde l’aéroport, c’est le Mousek. Avant, il ne s’écartait que d’un kilomètre autour du centre ville. Aujourd’hui, ces baraquements de béton et de tôles serrés les uns contre les autres s’étirent à perte de vue. La voiture roule lentement. Le chauffeur comme tous les autres, virevolte sur la route défoncée. Entre les voitures, une multitude de jeunes vendent tout et n’importe quoi. Ceintures, briquets, homards, pèse-personne, devise locale, clefs à molette, téléphones portables. Le flot est lent. De temps en temps, un véhicule ralentit. Le vendeur court alors à son côté pour marchander. La voiture ne s’arrêtera que si le bouchon continu l’exige. Il faut avoir de bonnes jambes.

Au bord de la route, des bidons, des canettes, des pneus, une épave calcinée, un homme endormi s’ajoutent au relief des bâtiments soviétiques décatis. Mon regard s’attarde sur une fenêtre. Au milieu des antennes satellites et des climatiseurs, des impacts réguliers  marquent d’antiques rafales de mitrailleuses.

Après un temps court, ou long, vingt minutes ou deux heures, la voiture s’engage sur la Marginale, une large avenue qui court le long de la baie. Côté mer, des myriades de bateaux, de tankers, de cargos parsèment l’onde. En face, dans la flèche de sable qui sépare Luanda de l’océan, des épaves échouées sont rattrapées par les dunes. La récupération de leur acier aura bientôt raison de leur coque et seules les mégastructures indécoupables fossilisent au milieu des habitats qui suivent l’avancé du sable. Elles serviront de squelette à l’enchevêtrement de cabanes qui colonise chaque espace libre. Coté ville, derrière une caricature de Gattaca, derrière les tours des grandes compagnies pétrolières, derrière le palais présidentiel au sommet de la colline, il y a toujours le Mousek. Les étages appartiennent aux nantis mais le sol reste sa propriété. Il est partout, entre chaque bâtiment, entre chaque tour, entre chaque dalle. Ses habitants cherchent la vie, la subsistance partout où cela est possible. Le moindre kwanza gagnable sera gagné, parfois arme au poing.

Je suis un quidam, un insignifiant, mais l’expatrié que je suis est bien visible bien au milieu de cette fourmilière. Le Mousek n’est pas raciste, mais il a faim, et nous, étrangers naïfs, nous sommes si peu dangereux, si faciles à dépouiller.

Luanda est une mégapole prévue pour sept cent mille habitants en abritant sept millions. Le pétrole, manne inépuisable, a découragé toute autre activité.

Les compagnies pétrolières, semblables à d’immenses séquoias géants au milieu d’une steppe vide, s’élèvent dans la vie du pays comme les tours de bureaux qu’elles occupent. Elles sont omniprésentes, riches, colossales, pleines de sève. Autour d’elles gravite un miasme ininterrompu d’opportunistes. Tel du gui, tous ceux qui ont un peu de force, de pouvoir de créativité parasitent les rares fleurons de ce pays.  En bas de cette échelle de pouvoir, ceux qui n’ont aucun moyen de prendre une part de ces richesses restent dans la misère, ils peuplent le Mousek.

Une forêt sans âme pousse sur Luanda. Les arbres pétroliers croissent sur une terre désespérément aride où rien d’autre ne trouve de place. Ils doivent grandir vite car depuis leurs bases jusque déjà haut dans les branches, le gui recouvre tout.

Je suis un expat. Je suis là pour faire vivre, pour donner une dynamique à la croissance de cette entreprise déjà immense dans l’écosystème local. Nous sommes des milliers. Ils sont des millions. Pour chaque nouvelle branche, il faut de plus en plus de ressources, de temps, de risques. C’est une course, le gui, la masse des profiteurs recouvre tout, paralyse tout, asphyxie tout.

Il est efficace et redoutable d’imagination. Le port par lequel le gouvernement impose à tous de transiter, qui lui appartient et dont les prix sont aussi changeants que le cours d’une rivière; le racket organisé par les flics pour récupérer leur part du gâteau; les braquages qui ont lieu juste après les flics, kalachnikov en main pour ratisser les miettes; les quotas de personnels employés pour forcer un illusoire transfert de compétences; les pots de vin sur les frais de dédouanement, tellement organisés qu’ils obéissent à un barème : dix pour cent de la valeur du bien pour un dédouanement “rapide” en seulement une semaine.

Toute la créativité de la ville est employée à ponctionner la richesse existante. Il ne reste rien pour en créer, et le Mousek croit.

Toucher à ce parasitisme, chercher à assainir quelque aspect de ce milieu délétère, remet en cause un équilibre fragile de lutte d’influences menées par des experts retords. Toute la structure sociale est affectée car indépendamment des hommes de pouvoirs, un équilibre perfide s’est installé.

Les enjeux sont énormes. La corruption et le parasitisme sont tellement ancrés dans la vie, qu’ils sont devenus des moteurs d’ascension sociale bien plus efficace que toute forme de travail.

Alors nous préparons. Nous entretenons l’arbre, soignons de nouvelles branches tentons de freiner le gui là où il n’est pas encore implanté. Fiers de notre œuvre, nous la contemplons avec regrets, car il faut l’oublier. Tôt ou tard, il n’en restera rien.

Il n’y a pas d’autres arbres que les compagnies pétrolières. L’Angola,  pays béni des dieux, un climat heureux, des pluies régulières, trois récoltes par an, est importateur de nourriture. Pourquoi produire quelque chose, pourquoi créer un arbre agronomique, industriel, financier? La sève de l’arbre pétrolier est tellement plus facile d’accès.

La voiture s’engage sous le porche. Dans les deux mètres qui me séparent de l’hôtel, cinq gardes veillent. Dans cet espace, l’odeur d’égout, d’urine et de fiente me prend à la gorge. Les quelques arbres sont envahis d’un millier de mouette, ils sont morts, tués par l’acidité des déjections. Une canalisation d’égout reste béante, quelques tôles ondulées cachent un chantier abandonné. Nous sommes à Chicala, une des zones chics de Luanda.

Depuis mon Club Med avec bar en faux torchis je contemple la mer. Les débris de caoutchouc et la bouche d’égout un peu plus loin me soufflent d’éviter la baignade. Au loin j’entends une boite de nuit. La jeunesse de Luanda peut s’y retrouver pour peu qu’elle puisse trouver les centaines de dollars nécessaires. Les expats y vont rarement. C’est trop cher.

Face à ma piscine, sur le transat un whisky à la main, je contemple nonchalamment la ville. Heureusement, dans un mois, je rentre en France.


Paris.

La lumière cristalline de ce début de mars m’accueille d’un lever de soleil sur le train qui me ramène de Roissy. Mon regard erre par la fenêtre vers les cités de la Courneuve et de Saint Denis. Je note l’absence de voiture brulée, les bennes à ordures vidés, les rues propres. Les barres d’immeubles des années soixante ne sont finalement pas si mal et on peut encore voir la couleur des murs sous les graffitis. Le train se remplit. Un jeune homme se lève spontanément pour laisser s’asseoir une vielle dame. Je rêvasse en pensant à toutes ces voitures qui n’existent pas grâce au métro. Gare de Lyon, un passant m’indique précisément mon chemin, le sourire aux lèvres. Je suis une fourmi, un insignifiant, personne. Une multitude d’arbres poussent: Ils n’ont pas l’allure d’un géant pétrolier, ils sont moins grands, leurs frondaisons moins luxuriantes et certains sont morts. Une forêt entière grandit sous le soleil. Sur les branches basses, juste un peu de gui à peine remarqué. Au loin, par-dessus les toits, d’autres toits, peut être moins beaux, mais des toits. Que j’aime Paris.

 7 mars 2014, Paris, gare de l’Est

Russie, printemps

Depuis trois jours, il pleut. La semaine dernière, il avait neigé quelques flocons de neige, recouvrant la lande d’un doux matelas de silence blanc et cotonneux.

Puis, la température est remontée un peu, et la pluie s’est invitée.

Non pas l’orage, qui jette violemment sa hargne contre les bâtiments de fer avant de se retirer, calmé, en laissant un coin de ciel bleu. Non, la pluie d’automne.

La grosse pluie lourde, sombre, qui frappe inlassablement tous hommes et toutes choses.

Progressivement, même les tôles de voitures semblent devenir poreuses. Le sol, pourtant composé de dalles de bétons s’est progressivement recouvert de boue. Tout est détrempé, tous est sales, devenu une soupe infâme dans laquelle nous jouons le rôle des croûtons.

Les ornières progressivement formées, les containers faisant office de bureau, les caillebotis de tôles, et nous, incarnons une bien belle caricature de chercheur d’or brésilien à la saison des puits.

En cette seconde ou une quinte de toux me stop dans mon élan, la comparaison prend tout son sens.

Russie, 20 janvier 2009

Kharyaga - pampa 001

Le Blizzard s’était arrété. Une toute petite brise soufflotait encore quelques flocons de neige, mais le calme était là. au petit matin, un évènement merveilleux sétait produit. Tout d’abord timide, il s’éloigna du bord du monde tout doucement, petit à petit comme un oiseau malade. Puis, prenant du courage dans le calme matinal, il se flatta de la lumière d’une bougie. Une lueur apparu dans le lointain.

La lueur, d’abord blafarde, se cristallisa dans l’air glacé du matin. Puis, soudainement, le ciel s’embrasa comme il ne l’avait encore jamais fait. le Soleil s’était levé. Après bientôt trois semaines de tempête, il était revenu au vent tombé pour nous offrir un peu de sa chaleur, glacial certe, mais si délicieuse au visage.

Profitant de ce moment de grace, je faisait un tour armé de mon appareil photo dont, entre autre chose, surgit le cliché ci joint.

Russie, 12 janvier 2009

Le blizzard souffle depuis 3 semaines.

3 semaines d’un vent omniprésent noyant dans une éternelle brume de poussière de glace toutes formes et toutes choses.

Au milieu des tourbillons de poudre blanche, des formes fantomatiques évoluent, éternels spectres au cœur de cette toundra isolé de toute forme de cité. La bise siffle au travers de chaque interstice, rien ne résiste à la progression de la neige. Inlassablement, les bulldozers nettoient pour laisser un brin de surface plane aux quelques véhicules qui doivent absolument circuler.

L’architecture des voies et des bâtiments prend tous son sens. Les routes, toutes construites de longues sections de plusieurs kilomètres sur un remblai de deux mètres semblaient complètement ubuesques. Mais avec la bise de l’hiver, cette construction est pleine de sagesse. Les arbres coupés sur les bords laisse au vent la joie de battre la route de toute sa fougue, de toute sa force la maintenant propre de tout congère. Ceux-ci se forment un peu plus loin, au-delà du remblais qui, suffisamment haut, ne pourra jamais être débordé. Seul hic, le moindre poteau sur le bas coté est propice à la formation de montagnes de neige qui peuvent atteindre près d’un mètre en quelques heures.

A leur instar, les bâtiments construits sur pilotis se protègent eux aussi d’un enneigement prématuré grâce à leur deux mètres de hauteur. Tout ce qui avait été stocké au sol est désormais définitivement inaccessible.

Au milieu de cette tempête irréelle, des hommes. Transit, ils s’activent dans leurs armures de plumes pour ne pas céder au froid. Bouger, dégeler les poutres d’acier, mettre en place les vérins, chauffer l’huile pour l’empêcher de figer, mettre sous pression, prendre garde que l’acier cassant ne cède pas, installer la grue, la mettre sous le vent, se réchauffer.

Car dans la tourmente incessante le froid est de la partie. -20, -30, parfois moins. Il faut faire attention à tout, tout gèle, même les pierres.

En dépit du froid et du vent, en dépit de la rudesse de travail et du temps, la mélancolie s’attarde ailleurs. Le coup de grâce, est la nuit quasi perpétuelle. Lorsque lors d’une des rares accalmit le soleil pointe son nez, lorsque très loin au sud, un œil rougeoyant tangente quelques instants l’horizon, tous, nous prenons quelques instants pour regarder ce vieux camarade qui n’est ici que l’ombre de lui-même, qu’un souvenir.

Néanmoins, la vie y est belle, car sous la neige et la tempête, derrière les paravents et les cagoules, il y a des hommes. Des hommes plus que vivants, des hommes qui rient quand le vent souffle, car tant qu’ils l’entendent souffler, c’est qu’ils sont debout.

Ici, être juste vivant, c’est déjà quelque chose, et rien que cela, rend l’existence merveilleuse. Dans ce désert blanc, chaque chose, chaque être prend son sens

Russie, l’hiver

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Lors de mon dernier voyage ici, l’hiver était arrivé. Arrivé comme ça, non pas comme quelque chose qui surgit, non pas comme quelque chose qui s’invite, mais comme quelqu’un qui est là, présent.

Nul besoin d’imposer sa présence, nul besoin de demander la permission ou même de la prendre, l’hiver existe tel le patriarche et on lui cède la place.

L’hiver possède ici ses quartiers. Dans le reste du monde la lutte entre les saisons est une course effrénée, un galop certain, une lutte pour la domination sans cesse remise en cause par le déroulement du temps. Tic, tac, chaque second compte.

Ici, non. Le Maître est là, serein. Il prend son temps, tranquille. Parfois il s’amuse…

Si au début de novembre il récupère encore de ses voyages ardues dans le sud du monde, à l’approche du début de décembre, il reprend du poile de la bête.

Un jour, vers midi, l’air n’a pas la même odeur. Plus cristallin. Ceux qui connaissent le pays se sont levés plus tôt pour mettre en chauffe les voitures. Pourtant, il ne fait pas si froid. -15°C comme tous les jours depuis quelques semaines.

Mais là, le vent souffle. Dés le début de l’après midi, dans la lumière crépusculaire fidèle serviteur du maître des lieux, le ciel s’éclaircit. Le soleil apparaît sous l’horizon lointain. Il procure sans doute un peu de douceur en d’autres lieux, pour d’autres hommes.

Ici, la lumière n’apporte nulle chaleur. Juste un petit peu de bonheur de voir ce fidèle compagnon.


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Pourtant, cet ami lumineux de toujours annonce par sa présence le début du jeu. La température décroît. -10… à midi. -14 à 14h. -15 à 15h. -18 à la débauche. -20 au repas. Moins deux degrés par heure. La nuit, il fait froid. Moins 20°C. Le lendemain, moins 25.

L’acier se pique d’une fine couverture de cristaux de glace que rien ne peut décrocher. Chaque particule de fer s’est recouverte de cette mousse argentée qui miroite dans la lumière blafarde.

L’air est glacial. -25°C. Les poiles du nez commence à geler. Protéger derrière nos écharpes, l’Oeuvre continue. Inlassablement, les petits bonhommes de laine continue leurs taches. Tout ce qui a été négligé est désormais gelé. Les lignes d’air comprimé mal confinées : gelées. Les conduites de pression, gelées. Les canalisations d’eau… non, elles tiennent. Les résistances électriques déversent des milliers de watts de chaleur pour maintenir les circuits d’eaux chaudes… pour maintenir le chauffage.

Mais l’hiver s’amuse. -26…-27…-30… là une légère brise se lève. Pas grand-chose, à peine de quoi dévier de son voyage vers les cieux la flamme de la torchère. Pourtant, se petit courant d’air si souverain lors des grandes chaleurs d’été s’avère un redoutable traître. -36°C. Les yeux me font mal.

J’ai froid aux yeux, terriblement froid. Mes pauvres mirettes se confinent derrière une millimétrique fente d’air qui sépare la base de la chapka de mon écharpe. Même ainsi. J’ai froid, si froid. Ce damné vent entraîne ma pauvre petite protection d’air tiède de seulement -15°C pour le remplacer par ce si vicieux -35°C. C’est si bête. Les mains, les pieds même, je n’ai pas froid. Seulement ces dards de glace qui s’attaque à mon pauvre iris le transpercent d’imaginaires mais pourtant bien cruels tessons de douleurs.


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Providentiellement, le jeu cesse. La température remonte jusqu’à un souverain et délicieux -20°C qui nous redonne goût aux travaux extérieurs. Dans ces conditions quasi estival, nous pouvons déposer les armes et goûtons à nouveau le plaisir de pouvoir passer dehors, brièvement, en chemise.

Le lieu n’en est pas moins baigné de lumières étranges, divines. En effet, l’air imprégné de glace diffracte toute lueur d’une bien curieuse manière. Les torchères n’irradient pas uniformément autour de la flamme comme toute lumière bien élevée devrait le faire mais génère un pilier d’air embrasé s’élevant vers le ciel.

Impossible de se lasser de ce spectacle ou le feu issu de l’industrie des hommes échappe aux règles de la physique pour prendre sa liberté dans un voyage vers le ciel qui ne peux que faire rêver les témoins que nous sommes.

Russie, le brouillard

Kharyaga - Nabors 520 003


Ce matin, le soleil ne s’est pas levé.

À l’heure de l’aube, là où une douce lumière grise s’écoule sur la toundra endormi, rien ; la nuit.

Tout d’abord, mon regard endormi ne perçoit rien d’anormal. Comme tous les matins, je quitte le lit pour la douche, la douche pour la combi, la combi pour les bottes.

C’est en mettant le contact que quelque chose cloche, le brouillard.

Une brume cotonneuse noie le monde dans une ouate blanche. Rien ne transparaît. La lumière du soleil n’a pas trouvé la force d’atteindre notre base.

Dans ce film noir et blanc des années 50, je roule tranquillement dans ce crépuscule qui n’en finit pas ; heureux, il y a des jours comme ça.

En s’approchant du camp, les torchères qui sont d’habitude autant de soleil, sont éteintes. La brume noie tout, rien ne bouge, le silence règne en maître.

Enfin, une lueur discrète luie. La flamme de notre torchère alimentée par près de 3 mètres cube de gaz par seconde chevrote comme une bougie dans ce fog londonien.

Le portail. Les multiples spots font leur travail. La magie est désormais tenue à l’écart. Seul le rythme des machines est ici roi.

Russie, logging

Pourquoi, mais pourquoi donc?

 Pendant 3 jours, j’ai travaillé sur une opération comme il en arrive une fois tout les deux mois. 3 jours, 69 heures exactement d’une opération complexe, difficile nécessitant une attention de tous les instants.

3 jours, où j’ai dormi une heure par ci et une autre par là, sur une chaise ou sur le sol de mon bureau, récupérant une précieuse énergie à distiller le plus efficacement possible.

Et pendant ces trois jours, pas un seul instant je n’ai souhaité être ailleurs… mais pourquoi ?

Pourquoi alors que dans la routine des journées classiques un vague à l’âme m’envahis et je me prête à rêvasser à une existence « normal », pourquoi alors que souvent, je songe à des semaines ordinaires de 5 jours où je pourrais profiter des plaisirs de la ville à mon envi, pourquoi dans cette folie d’organisation et d’attention qu’est le suivi d’une opération de diagraphie je n’ai, pas un seul instant souhaité qu’elle n’ai pas lieu ?

Bien sur, j’ai eu hâte qu’elle finisse, mais j’étais bien.

Pourquoi…

Parce que.

Parce que lorsque dans cette activité, au bout du monde, dans le vent qui gèle à pierre fendre, sous les bourrasques de neiges et dans cette recherche, longue de chaque détail, je suis vivant.

Parce qu’en ces instants où je m’arrête une brève seconde pour regarder la pleine lune qui pose sur moi son regard blafard, le monde moderne n’existe plus.

Il n’y a plus que cette petite unité, cette boite farci d’ordinateurs et d’hommes de quatre mètres carrées où sont enregistrés des milliards d’octets d’informations. Les contraintes de chaque seconde sont simples, enregistrer, organiser le ravitaillement en essence, contrôler les données, prévoir les casse croûtes, cherche la cause d’une erreur, planifier les précieuses heures de sommeils,

Somnoler, se réveiller, reprendre, manger, boire, café… café… café.

Le monde n’existe plus, il n’y a plus que nous. Nous sommes libres, nous sommes vivant. En ces longues heures, les règles changent. Il y des hommes qui font leur job, mais il y a surtout des humains qui vibrent au diapason d’une vibration commune, en échos au grognement des tréfonds de l’humanité.

Là, en ces moments uniques, plus besoin de se demander si la vie à du sens, nous vivons.

Plus besoin de se demander qui nous somme, nous existons.

Plus besoin de chercher pourquoi nous existons, nous savons.

Dans ce dépouillement, dans cette tache à laquelle nous nous sommes aliénée, le voile que nous portons sur notre propre existence se lève à nos yeux. Nous nous découvrons à nous-mêmes.

Russie, du goudron et des plumes?

Usinsk - Route


Hop là!

Je relance le jeu saugrenue des questions réponses. Lors de ma venu ici, j’ai accroché sur le camion que vous pouvez voir ci dessus.
Sans regarder la suite, essayez donc de deviner pourquoi son conducteur trouve tout à fait normal d’être en feu?
Cherchez bien, vous en avez vu plein sur les autoroutes en plein moi d’août.

Ce camion transporte… du goudron! Et ici, pour le maintenir bien chaud ils ne s’emmerdent pas, ils allument un feu de charbon dessous. Efficace, certes…

Je rappel pour les non initiés que le goudron est un forme hyper visqueuse de pétrole… donc, avec un peu de bonne volonté ca brule très convenablement. Intéressant non?{#}

Pour ma part ça ma scotché.